Lundi 19 février, à la fin d’une journée ordinaire dans les alizés d’Atlantique Nord, il est temps pour nous de faire un bilan de cette première semaine écoulée. Madère est à 1400 milles derrière nous. La Martinique est à 1200 milles devant. La terre la plus proche est le cap vert, à 820 milles dans notre sud-sud-est. Bref, les guides touristiques qui parlent du coin ne sont pas légion…
La course : nous sommes bien entendu déçus de notre entrée en matière. Nous payons là notre manque d’entrainement depuis l’été. La perte de nos réflexes dans les manœuvres nous ont coûté quelques déchirures dans nos spi et des bonnes heures à brasser de la toile au lieu de faire avancer le bateau. C’est chose faite, et maintenant que tous nos automatismes sont revenus, nous sommes plus motivés que jamais à remonter place par place ce fichu classement que la direction de course nous envoie toutes les 6 heures. Les options jusqu’à l’arrivée sont maintenant limitées. Il ne nous reste qu’à tenir le rythme.
Le matériel : globalement, ça tient. Il y a bien une poulie ou quelques manilles qui n’ont pas résisté, mais rien de grave. Nous sommes très vigilants, au moindre choc ou bruit anormal, afin de resserrer, renouer ou changer ce qui doit l’être, pour éviter toute réaction en chaîne aux conséquences imprévisibles. Le gros du temps passé aux réparations l’a été sur notre grand spi qui se couvre chaque jour d’une nouvelle cicatrice. Suite à notre expérience de la première étape, les poulies de spi sont fixées directement sur les taquets d’amarrage, les mousquetons d’écoutes qui nous causaient tant de soucis ont été remplacés par de simples nœuds de chaise qui eux ne rechignent pas à l’effort.
Les hommes : nous n’avons plus vingt ans, et la fatigue commence à se faire sentir. Nos nuits agitées se paient cash : affaler, démêler, hisser, réparer, et ce, parfois plusieurs fois par nuit, perturbe notre rythme de quart, que nous devons improviser en conséquence. Les muscles sont parfois endoloris, et il nous manque une petite chose toute simple que nous ne pouvons pas imaginer ici : marcher, faire quelques pas pour se délasser. Lorsque rien ne les perturbent, nos journées sont occupées par : barrer, manger, dormir. On peut toutefois dire sans se tromper que la cohésion de l’équipage est à la hauteur de cette opiniâtreté. C’est une aventure humaine passionnante.
Sur un plan plus personnel, nous goûtons avec bonheur ce sentiment d’hyper autonomie. Nous nous sommes engagés sur cette course, librement, et avec toutes ses contraintes, et il est passionnant de devoir y répondre sans autres moyens que ceux que nous avons embarqués, et qui sont limités par nature. La seule ressource infinie dont nous disposons est celle de notre imagination et de notre volonté. C’est un révélateur permanent de notre humanité.
Enfin, et de vous à nous, nous n’avions pas imaginé la joie de la lecture quotidienne de vos commentaires et de vos encouragements laissés sur notre blog (nous n’avons par contre pas ceux de facebook). Nous réalisons ainsi que notre rêve n’est beau que parce qu’il est partagé.
La photo du jour est une dédicace à nos amis calaisiens de l’entreprise CMG, et à leurs petites douceurs qui ont été dégustées au beau milieu de l’Atlantique.
Sur ce, bonne nuit : barrer manger dormir !..