Cap 300: une victoire en solo pour terminer la saison

J’ai participé en solo à la deuxième édition de la Cap 300 au départ du Crouesty, ma dernière course d’une saison bien remplie. J’avais gardé de très bons souvenir de celle de 2020 (trois ans déjà) qui était ma première course en solitaire. Nous sommes toujours aussi bien accueillis par la sympathique équipe du Yacht Club du Crouesty Arzon (YCCA). Un très beau parcours de 300 milles nous est proposé par la direction de course, entre les Glénans et le plateau de Rochebonne. 29 bateaux prendront le départ, dont 17 solitaires. Pour bon nombre d’entre nous, c’est l’une des dernières occasions (la dernière pour moi) de nous confronter avant la prochaine Cap Martinique en avril 2024.

La météo annonce pour ces deux jours, un vent dominant d’ouest à nord ouest entre 15 et 20 noeuds, avec toutefois des passages nuageux qui pourront créer des instabilités. Des conditions idéales pour un dernier tour de piste avant l’hiver.

Le comité de course a décidé d’appliquer une pénalité de 2 heures pour tout départ « volé », sans rappel ni réparation possible. Voilà qui calme les ardeurs. Nous avons donc tous un peu le pied sur le frein au passage de la ligne. Je prends un départ moyen, du bon côté, mais enfermé sous le vent de TAGAN. Je mets de (trop) longues minutes à me dégager et je suis au milieu du peloton au passage de la bouée de dégagement. Je parviens à grapiller quelques places au passage de la Teignouse, mais rien de spectaculaire. L’armada rochelaise a pris les commandes de la flotte solo et a déjà une belle avance, emmenée par KURUN, le JPK 1010 de Maxime Paul. C’est un bon repère car nous avons le même bateau et le même rating, donc théoriquement la même vitesse… Ludovic sur ADEOSYS n’est pas loin derrière moi.

A la sortie de la baie de Quiberon, je vire très vite vers Groix, alors que le gros de la flotte décide de tirer un bord vers la gauche jusqu’à Belle-Ile. ADEOSYS et PHU CAM (un Sun Fast 3600 de la Rochelle) ont fait le même choix, et nous sommes suivis de près par USHIP de mon ami Patrick. Nous sommes bord à bord avec ADEOSYS pour ce long bord de près jusqu’aux Glénans. Il est très fort à cette allure, et me prend petit à petit quelques longueurs. A l’approche de l’archipel, nous nous retrouvons très proches premiers bateaux du « groupe de Belle-Ile », avec 1,5 miles d’avance sur KURUN. Notre option vers Groix a été fructueuse. Bonne nouvelle! Les derniers miles avant la bouée des Glénans sont tactiques, et nous enchaînons les virements au gré des bascules de vent. ADEOSYS fait un joli coup et me prend 0,5 miles. Nous sommes respectivement 5ème et 6ème au passage de la bouée à 2 miles de CIAO CIAO qui mène la danse des solitaires. Les Sun Fast 3600 de la Rochelle ont logiquement pris le pouvoir, mais nous gardons toutes nos chances en temps compensé. Il ne va toutefois pas falloir les laisser creuser trop d’écart.

La descente vers la bouée SN1 du chenal de Saint-Nazaire va être sélective. L’angle est serré, nous sommes à la limite de l’utilisation du spi symétrique, et le vent est très instable en force et en direction sous les nombreux nuages. Il oscille autour de 18-20 nœuds. La nuit va être chaude! J’envoie malgré tout mon grand spi symétrique, avec la perspective de devoir barrer pendant 6 heures. J’y perds mes rêves de repas chaud et de siestes réparatrices. ADEOSYS envoie son spi asymétrique, plus stable mais moins rapide. Je le rattrape petit à petit. Le bateau avance bien, régulièrement au dessus de 10 nœuds. Je reste concentré à la barre. Le peu de répit que je m’accorde est consacré à la navigation. La sélection s’opère au gré des figures de style des uns et des autres, et ce sont 4 solitaires qui abandonnent cette nuit-là, dont ADEOSYS qui a méchamment enroulé son spi autour de l’étai (une cocotte quoi!) et qui rentre à la Trinité. J’ai mal pour lui…

Au passage de la bouée SN1 de Saint-Nazaire, je suis 3ème solitaire,1/2 heure derrière CIAO CIAO et 1/4 d’heure devant KURUN et USHIP. C’est tout bon!

L’envoi du code 0 pour la descente vers le plateau de Rochebonne est catastrophique. Je dois m’y reprendre à plusieurs fois pour établir cette voile, et j’y perd de précieux dixièmes de milles. Un peu de fatigue? Le vent est toujours aussi variable, bien que moins fort qu’en début de nuit. Je peux enfin souffler un peu, me cuisiner un petit déjeuner consistant au lever de jour (l’English Breakfast de Nomad Kitchen est juste parfait!), et enchainer quelques siestes de 10 minutes, bienvenues, car je n’ai toujours pas dormi de puis le départ. Les variations du vent me rappellent régulièrement aux réglages et je parviens à rester bord à bord avec JOKARI (un autre Sun Fast 3600) et OSE (JPK 10.30) ce qui est une bonne opération. CIAO CIAO perd peu à peu son avance, sans doute handicapé par la perte de sa delphinière après une regrettable collision au Crouesty une heure avant le départ. Les écarts se resserrent à Rochebonne, et nous sommes quatre solitaires en moins de 2 milles alors que Kurun est 2,1 milles derrière. C’est encore tout bon!

Je garde mon code 0 pour remonter vers l’ile d’Yeu. D’autres ont opté pour le spi asymétrique mais tombent un peu sous le vent. Ils seront probablement avantagés en fin de bord si le vent tourne. Difficile à dire… Toujours est-il que les écarts continuent à se resserrer. A l’approche de l’Ile d’Yeu, notre groupe de 4 solitaires se tient en moins d’1 mille, CIAO CIAO toujours devant. KURUN est revenu à 1,5 miles. Mais ça, c’était avant l’affalage catastrophique de mon code 0 (décidemment), qui, après moultes péripéties, se retrouve en vrac au fond du bateau au lieu d’être bien roulé dans son sac. J’y laisse environ 1/2 mille, au plus mauvais moment. La remontée au près vers la pointe des Poulains commence mal: j’ai perdu le contact avec mes acolytes, KURUN pousse fort derrière, je suis un peu sous le vent des autres, un peu trop à droite à mon goût, il est 15 heures, et j’ai faim! Je suis donc un peu contrarié. Malgré tout, la routine des longs bords de près s’installe: barrer, grignoter, se reposer. Le clapot se creuse peu à peu dans le vent qui fraichit et devient pénible. Les Sun Fast 3600 allongent la foulée et je parviens à contenir KURUN. J’attends avec impatience la bascule de vent prévu en début de soirée à l’approche de Belle-Ile pour virer et faire route vers la pointe des Poulains. Je suis alors 2,5 milles derrière CIAO CIAO. Ca va.

A l’approche de la bouée des Poulains, je mets la course entre parenthèse. Il fait nuit, elle n’est pas éclairée, OSE n’est pas loin, et nous croisons de près les premiers qui font route vers l’arrivée au Crouesty. C’est tendu. Ca passe, mais c’est tendu. Je perds du terrain sur CIAO CIAO, mais je garde mon avantage en temps compensé. Ca commence à sentir bon! Je m’applique à ne pas faire de bêtise sur le dernier bord et je passe la ligne d’arrivée 3/4 d’heure après CIAO CIAO. C’est gagné!

Cerise sur le gateau, je suis deuxième au classement général (solo – duo) derrière le duo l’A35 DARE DARE qui a mené la course en temps réel de bout en bout.

Je suis trop fatigué pour être ému. Je n’ai jamais aussi peu dormi pendant une course (pas plus de 3 heures). Je mets un peu de temps à réaliser. Je suis bien content de terminer ma saison par cette victoire en solitaire. La désillusion du Fastnet s’estompe peu à peu…

Coup de chapeau tout de même à Paolo sur CIAO CIAO. Un concurrent trop pressé et distrait lui a cassé sa delphinière une heure avant le départ. Malgré ce handicap, il a pris le départ et a défendu sa place aux avant-postes avec brio. La classe…